Sénégal: l'ONU voit un "sombre précédent" dans l'usage d'armes à feu

L'ONU s'est dite mardi "profondément préoccupée" par l'évolution de la situation des droits de l'Homme au Sénégal et voit "un sombre précédent" dans l'usage d'armes à feu par les forces de l'ordre contre des manifestants accusés par Dakar de s'être livrés à du "terrorisme" début juin.

13 juin 2023 à 21h51 par AFP

"L'utilisation d'armes à feu par les forces de sécurité lors de manifestations constitue un sombre précédent pour le Sénégal", souligne le Haut-Commissariat aux droits de l'Homme dans un communiqué.
"Nous notons que les autorités ont ouvert des enquêtes et nous leur demandons de veiller à ce que celles-ci soient rapides, indépendantes et approfondies, et qu'elles amènent toute personne trouvée responsable d'un usage de la force injustifié ou disproportionné, à rendre compte de leurs actes, quels que soient leur statut et leur affiliation politique", souligne le Haut-Commissariat.
Le Sénégal a été en proie du 1er au 3 juin à ses pires troubles depuis des années après la condamnation de l'opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme dans une affaire de moeurs. L'annonce de la condamnation a déclenché des violences qui ont fait 16 morts officiellement, mais 23 selon Amnesty International.
Pour sa part, le Haut-Commissariat évoque "au moins" 16 personnes tuées, 350 blessées et plus de 500 arrêtées lors de trois jours de manifestations, entre le 1er et le 3 juin.
"Nous sommes également préoccupés par la poursuite des restrictions à la liberté d'expression et de réunion pacifique à la suite des manifestations", a encore insisté le Haut-Commissariat.
Il évoque en particulier le cas de Walfadjiri TV, une chaîne privée qui couvrait les manifestations en direct et qui a été suspendue le 1er juin "sans justification légale claire et n'a toujours pas été rétablie à ce jour".
L'ONU rappelle également que les restrictions à l'accès à internet, qui avaient été justifiées par le gouvernement pour mettre fin à "la diffusion des messages haineux et subversifs", "doivent être fondées sur une loi sans ambiguïté et accessible au public".
Les évènements survenus début juin au Sénégal sont des "actes qui n'ont absolument rien à voir avec l'exercice des droits d'expression et de manifestation", affirme le ministère sénégalais des Affaires étrangères dans un communiqué publié mardi, en réponse à celui de l'ONU.
"Nous avons plutôt assisté à des agressions extrêmement graves contre l'Etat, la République et ses institutions et la Nation sénégalaise à travers des violences humaines, le saccage de biens publics et privés et des cyber-attaques contre des sites stratégiques du gouvernement et des services publics vitaux", dit le communiqué.
Pour Dakar, "l'objectif (des instigateurs de ces violences) était sans aucun doute, de semer la terreur et de notre pays notre pays à l'arrêt" et "face à ce terrorisme, il convient de réaffirmer l'impérieuse nécessité de protéger notre République", selon ce communiqué.
Le gouvernement du Sénégal a, le 8 juin, présenté au corps diplomatique à Dakar un livret contenant sa version des évènements.
Le président Macky Sall, élu en 2012 et réélu en 2019, entretient le flou sur sa volonté de briguer un troisième mandat en 2024.
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