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Tanzanie: John Magufuli, le président "bulldozer"

Apparatchik se présentant comme un homme du peuple pragmatique, le président tanzanien John Magufuli, élu en 2015, jouit côté pile d'une réputation d'inlassable pourfendeur de la corruption, et côté face de celle d'un caractère autoritaire écrasant toute dissidence et étouffant la démocratie.

N&eacute; il y a 60 ans dans le nord-ouest de la Tanzanie, sur les bords du lac Victoria, il y a grandi dans une modeste demeure au toit de chaume, surveillant le b&eacute;tail et vendant du lait et du poisson pour aider sa famille.
"Je sais ce que c'est que d'&ecirc;tre pauvre", a souvent soulign&eacute; ce catholique pratiquant, mari&eacute; et p&egrave;re de cinq enfants qui arbore lunettes &agrave; fines montures m&eacute;talliques et bouc grisonnant.
La carri&egrave;re de ce docteur en chimie, qui a fr&eacute;quent&eacute; l'universit&eacute; en Grande-Bretagne et &agrave; Dar es Salaam, est essentiellement politique.
Membre du CCM (Chama Cha Mapinduzi), l'ex-parti unique, au pouvoir depuis l'ind&eacute;pendance du pays en 1961, il est durant 20 ans ministre sans interruption jusqu'&agrave; son &eacute;lection &agrave; la pr&eacute;sidence, des portefeuilles o&ugrave; il gagne son surnom de "Bulldozer" ("Tingatinga" en kiswahili).
En 2015, son programme pr&eacute;sidentiel de lutte implacable contre la corruption lui a attir&eacute; les suffrages d'une population fatigu&eacute;e des malversations ayant &eacute;maill&eacute; le mandat de son pr&eacute;d&eacute;cesseur.
Elu, il prend rapidement des d&eacute;cisions tr&egrave;s populaires: interdiction des voyages officiels en premi&egrave;re classe, r&eacute;duction drastique des confortables per diem des d&eacute;l&eacute;gations gouvernementales voyageant &agrave; l'&eacute;tranger.
Il consacre &eacute;galement les fonds allou&eacute;s aux dispendieuses c&eacute;l&eacute;brations de la f&ecirc;te de l'ind&eacute;pendance &agrave; une campagne de nettoyage.Au point de susciter sur Twitter le mot-di&egrave;se "Que ferait Magufuli?", compilation de messages rivalisant d'humour pour trouver des moyens innovants d'&eacute;conomiser de l'argent.
Il d&eacute;barque sans m&eacute;nagement des responsables soup&ccedil;onn&eacute;s de corruption ou d'inefficacit&eacute; et des fonctionnaires dont il avait constat&eacute; l'absence ou le retard au travail lors de visites surprises dans leur administration.

- Citoyens enfants -

Mais son style direct, souvent abrupt, sa tendance &agrave; faire fi des proc&eacute;dures et &agrave; agir sur des coups de t&ecirc;te ont rapidement suscit&eacute; l'inqui&eacute;tude d'une possible d&eacute;rive autoritaire dans un des pays les plus stables d'Afrique de l'Est.
Interdiction de rassemblements politiques hors p&eacute;riode &eacute;lectorale, lois r&eacute;pressives contre la presse, arrestations de journalistes et d'opposants ont marqu&eacute; le d&eacute;but de son mandat.
Comme un bulldozer, "il &eacute;crase tout sur son passage: les lois, les droits humains, tout", explique Aikande Kwayu, analyste politique tanzanien.
C&ocirc;t&eacute; moeurs, le pr&eacute;sident Magafuli a demand&eacute; le renvoi de l'&eacute;cole des m&egrave;res adolescentes et les d&eacute;fenseurs des droits humains ont d&eacute;nonc&eacute; une r&eacute;pression sans pr&eacute;c&eacute;dent de la communaut&eacute; LGBT sous sa pr&eacute;sidence.
Pour M. Magufuli, "la fin justifie les moyens", estime Ringisai Chikohomero, chercheur &agrave; l'Institut des Etudes de s&eacute;curit&eacute; (ISS) de Pretoria."Pour Magufuli, l'Etat et le pr&eacute;sident ont le dernier mot et il traite les citoyens comme des enfants".
Sa gestion de la crise li&eacute;e au Covid-19 traduit clairement son style de gouvernance, rel&egrave;vent plusieurs observateurs.
Pr&ocirc;nant la pri&egrave;re, plut&ocirc;t que le port du masque, le pr&eacute;sident Magufuli affirme que celle-ci a sauv&eacute; le pays de l'&eacute;pid&eacute;mie: "c'est pourquoi nous ne portons pas tous des masques ici (...) parce qu'il n'y a pas de Covid-19" dira-t-il courant juillet.
Difficile &agrave; v&eacute;rifier: d&egrave;s avril, il a fait cesser la publication de statistiques.Le pays enregistrait alors 509 cas et 16 d&eacute;c&egrave;s.
Et en juillet, les lois d&eacute;j&agrave; strictes sur les publications en ligne ont &eacute;t&eacute; durcies pour interdire tout contenu "sur les maladies mortelles ou contagieuses" sans autorisation.

- Celui "dont nous avions besoin" -

Les partisans de Magufuli mettent en avant son combat r&eacute;solu contre la corruption ou la ren&eacute;gociation de contrats avec des compagnies &eacute;trang&egrave;res pour am&eacute;liorer la part revenant au pays.
"C'est le genre de dirigeant dont nous avions besoin quand la corruption &eacute;tait effr&eacute;n&eacute;e", assure Agnes Thomas, restauratrice de 32 ans, "il a instill&eacute; de la discipline chez les fonctionnaires".
M. Magufuli se targue d'avoir &eacute;tendu l'&eacute;ducation gratuite, am&eacute;lior&eacute; l'&eacute;lectrification rurale et lanc&eacute; les constructions d'une voie-cl&eacute; de chemin de fer et d'un important barrage hydro&eacute;lectrique.
Mais une politique fiscale agressive encourag&eacute;e par le pr&eacute;sident a mis &agrave; mal le secteur priv&eacute; et d&eacute;grad&eacute; le climat des affaires.
Et en 2018, ann&eacute;e de fortes tensions dans le pays, l'Eglise &eacute;vang&eacute;lique luth&eacute;rienne et l'Eglise catholique avaient s&eacute;par&eacute;ment d&eacute;nonc&eacute; la "peur" qui s'est install&eacute;e au sein de la population, craignant pour "la paix et l'unit&eacute;" du pays.

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