Enquête française sur le massacre de Bisesero au Rwanda : "si la Cour d'appel confirme le non-lieu, nous irons à la Cour de cassation" , explique Raphaël Doridant, membre de l’association Survie

La Cour d'appel de Paris se prononcera le 11 décembre sur le non-lieu général rendu en octobre 2023 dans l'enquête sur l'inaction reprochée à l'armée française lors des massacres de Bisesero pendant le génocide au Rwanda en 1994. Raphael Doridant enseignant, et membre de l’association Survie, qui fait partie des plaignants avec deux autres associations et six rescapés du massacre de Bisesero, était l'invité de la matinale d'Africa Radio.

La Cour d'appel de Paris

Crédit : La Cour d'appel de Paris

15h48 par Keisha MOUGANI

Titre :Réécoutez Raphaël Doridant, enseignant et membre de l’association Survie

La cour d'appel de Paris se prononcera le 11 décembre sur le non-lieu général rendu en octobre 2023 dans l'enquête sur l'inaction reprochée à l'armée française lors des massacres de Bisesero pendant le génocide au Rwanda en 1994.Les magistrats de la chambre de l'instruction ont étudié jeudi 19 septembre un appel des parties civiles contre le non-lieu des juges d'instruction parisiens et leur refus de procéder à certains actes d'enquêtes. Lors de cette audience, le parquet général a requis la confirmation du non-lieu, selon les sources proches du dossier.   Pour Me Eric Plouvier, représentant de l'association plaignante Survie, "l'audience a permis l'échange de points de vue contradictoires. Le parquet général a estimé que les militaires n'avaient pas conscience du crime qui était en train de se commettre, ce que nous contestons formellement par les documents en procédure".   Côté militaires, Me Pierre-Olivier Lambert, qui défend notamment le général Jean-Claude Lafourcade, le chef de la mission militaro-humanitaire française Turquoise, a estimé que "cette audience était indispensable.""Après 20 ans de procédure, les militaires français ont vocation à être totalement disculpés des accusations indignes portées contre eux. La page d'histoire est tournée avec le rapport" de la commission présidée par l'historien Vincent Duclert, rendu en avril 2021, d'après lui.   Pour cet avocat, "il est temps que la page judiciaire se referme également". Me Emmanuel Bidanda a lui indiqué que son client, Jacques Rosier, chef des opérations spéciales présent à Bisesero, a demandé à "distinguerl'appréciation que chacun peut avoir aujourd'hui sur les relations franco-rwandaises pendant la décennie 1990 et le volet d'accusations pénales contre un certain nombre d'officiers, qui ne repose sur absolument rien".


Trois associations et six rescapés du massacre de Bisesero accusent des militaires de l'opération Turquoise de "complicité de génocide"


Dans cette affaire, les associations Survie, Ibuka, FIDH et six rescapés de Bisesero, parties civiles, accusent la mission militaro-humanitaire française Turquoise et la France de "complicité de génocide".   Ils leur reprochent d'avoir sciemment abandonné pendant trois jours les civils tutsi réfugiés dans les collines de Bisesero, dans l'ouest du Rwanda, laissant se perpétrer le massacre de centaines d'entre eux par les génocidaires, du 27 au 30 juin 1994.Les deux magistrats instructeurs du pôle crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris avaient conclu à l'abandon des poursuites pour les cinq militaires visés dans la procédure mais qui n'ont jamais été mis en examen.   Après un premier non-lieu en septembre 2022, l'enquête avait été rouverte pour raisons procédurales, liées à la publication du rapport de la commission présidée par l'historien Vincent Duclert, qui a pointé en avril 2021 "l'échec profond" de la France lors des massacres de Bisesero.


D'après Me Plouvier, "il est apparu que le point de vue du parquet général et des militaires témoins assistés était que le rapport Duclert avait été un peu hémiplégique, ne prenant pas en compte leurs auditions auxquelles il n'a pas eu accès."


Selon l'ONU, les massacres instigués par le gouvernement hutu ont fait plus de 800.000 morts au Rwanda entre avril et juillet 1994, essentiellement au sein de la minorité tutsi.

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