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Ethiopie: restrictions en Amhara, après des manifestations contre le gouvernement

Des restrictions notamment de circulation nocturne et de réunions ont été imposées lundi dans trois grandes villes de la région éthiopienne de l'Amhara, notamment la plus peuplée, Gondar, au lendemain de manifestations contre le démantèlement de forces militaires régionales à travers l'Ethiopie.

AFRICA RADIO

10 avril 2023 à 21h06 par AFP

Selon des communiqués quasi-similaires publiés par les autorités municipales de Gondar, Dessie et Debre Birhan, ces restrictions sont édictées par les "postes de commandement" militaire de chaque ville, laissant supposer que la sécurité y est désormais confiée à l'armée fédérale. Le gouvernement fédéral du Premier ministre Abiy Ahmed a récemment annoncé avoir entamé le processus de réaffectation, dans l'armée fédérale ou la police, des membres des forces militaires progressivement mises sur pied depuis une quinzaine d'années par certains Etats régionaux. Appelées "forces spéciales" en Ethiopie, ces unités militaires inconstitutionnelles étaient tolérées jusqu'ici. Des incidents ont émaillé le processus en Amhara, dont les "forces spéciales" sont puissantes et ont apporté une aide cruciale à l'armée fédérale durant son conflit contre les autorités rebelles de la région du Tigré entre fin 2020 et fin 2022. Dans les trois villes, il est désormais interdit aux tricycles motorisés de circuler la nuit et bars et discothèques doivent fermer à 21H00. Toute grève est prohibée et toute réunion doit être signalée aux autorités. Il est aussi entre autres interdit de transporter une arme ou tout objet pouvant en faire office - "couteau, machette ou barre de fer" notamment -, de détonner pétards et feux d'artifice, ou de porter indûment tout vêtement militaire. Il est aussi ordonné aux membres des "forces spéciales" de se regrouper dans des endroits désignés. - "bases ethniques" - Dimanche, selon un habitant de Gondar joint par l'AFP, de nombreux manifestants y ont protesté, criant "Abiy, traître!" ou "Nous ne céderons pas !", contre le désarmement des "forces spéciales" de l'Amhara, dont l'accès est pour l'heure interdit aux journalistes "pour des raisons de sécurité". D'autres villes de la région ont été le théâtre de manifestations. Le même jour, M. Abiy a assuré que ce processus irait à son terme "quel qu'en soit le prix" et averti "que la loi s'appliquerait contre ceux jouant délibérément un rôle déstabilisateur". Deuxième peuple d'Ethiopie en nombre, les Amhara en ont longtemps constitué l'élite politique et économique et Gondar est une ancienne capitale impériale. L'accord de paix signé en novembre 2022 entre gouvernement fédéral et autorités du Tigré suscite un fort mécontentement au sein de la communauté amhara, que des litiges territoriaux opposent depuis des décennies aux tigréens. Des conflits territoriaux parfois sanglants les opposent également aux oromo, le peuple le plus nombreux d'Ethiopie. Samedi, le général Abebaw Tadesse, chef d'état-major adjoint de l'armée fédérale, a fustigé "des +forces spéciales+ constituées sur des bases ethniques au détriment du sentiment national" et assuré qu'à l'issue du processus "aucune région n'aurait plus de pouvoir (militaire) qu'une autre". La Constitution d'Ethiopie prévoit que les onze Etats fédérés, délimités le long de lignes linguistiques et culturelles dans un pays comptant plus de 80 peuples, disposent de leur propre police, mais pas de forces militaires propres. Lundi, le Parti de la Prospérité de M. Abiy a répété que les informations disant que le processus en cours "est réservé à la région de l'Amhara sont complètement fausses" et qu'il "sera mis en oeuvre en même temps dans toutes les régions". Les combats ont cessé au Tigré, mais l'Ethiopie reste le théâtre de conflits locaux, liés souvent au réveil de revendications identitaires et foncières depuis la nomination de M. Abiy en 2018, après trois décennies de régime d'une coalition dominée par la minorité tigréenne.